Quand le désespoir prend le dessus, vous n'êtes plus rien. J'ai appris cela à mes dépens.
Je revoyais sans cesse les boucles blondes de ma destinée s'agiter devant moi. Son sourire éclatant, me dévoilant ses dents, celles du bonheur, que j'aimais tant. Ses yeux bleus, ses yeux de biche, comme aimait les appeler sa mère. Elle me manque tant. Elle aurait dû être mon présent, mon futur. Elle n'est maintenant que partie intégrante de mon passé.
Il faut apprendre à aller de l’avant. « Bouge-toi un peu. Ça fait presque deux ans, maintenant. » Facile à dire pour eux. Ils n’ont jamais connu ça. La perte de l’être aimé. Comment y survivre ? Se plonger dans le travail était devenu la seule solution. Ma seule échappatoire. Réapprendre à aimer ce que j’avais toujours adoré faire. Depuis deux ans, je sombrais. Je ne sortais que de mes appartements pour donner mes cours aux élèves, et rarement, je descendais manger dans la Grande Salle. Moi qui avais l’habitude de sortir boire un verre, avec des amis, ce temps là était maintenant révolu. La chance de ma vie ? Ma bouffée d'air ? Être promu Directeur de la maison Gryffondor. Ce nouveau rôle me força à me reprendre. J'avais maintenant plus de responsabilités que jamais, et je ne pouvais rester l'homme désemparé que j'étais devenu. Je réappris vite à sourire, à sortir plus souvent de ma chambre et à manger. Tout me semblait si naturel, comme s'il n'avait fallu qu'une simple motivation pour me sortir de cet enfer.

La souffrance peut parfois vous prendre de plein fouet. Surtout lorsqu’on s’y attend le moins. Une douleur fulgurante revenait en moi. Une comme je n’en avais pas connu. Même lorsque j’avais perdu Sara. Celle-ci était bien pire. Mes entrailles semblaient se déchirer. Mon cœur se serrait. Des larmes me montaient aux yeux. Respire. Je regardais autour de moi. Les élèves semblaient interloqués de me voir m’arrêter si brusquement, et surtout, de voir des larmes perlaient à mes yeux. Je soufflais et reprenais mon chemin. Que se passait-il ? Pour une fois, je ne pensais pas à Sara, ce n’était donc pas son souvenir qui pouvait m’avoir procuré ces sensations étranges. Sur mon chemin, je me retournais. Une élève me regardait avec attention. Avec presque trop d’intérêt. Ses sourcils étaient froncés, et son regard noir était plus inquiet que jamais. Je ne connaissais pas son nom, ce qui était étonnant de ma part. Serait-elle la nouvelle élève dont le directeur nous avait parlé la semaine précédente ? Son visage, lui, me rappelait quelque chose.
Cette nuit-là, je rêvais. Un rêve atroce tout en étant merveilleux. Se mélangeant entre l’amour et le désespoir. Son visage apparaissait. Un nom me revenait. Un sourire, surtout. Encore plus beau que celui de la femme que j’avais aimé pendant près de huit ans. Des sensations nouvelles. Un amour différent, bien plus fort. Des frissons parcourant mon corps encore endormi. Je me réveillai, en sueur, et je murmurai dans la nuit froide « Nola-Ann. » Et ses flashs qui me revenaient depuis l’âge de quatorze-ans prenaient soudain un sens. Des sorts lancés en pleine bataille. Des cris déchirants. Des pleurs. Un amour perdu. Une jeune femme qui se meurt. La haine de l’autre. Des blessures. Et puis, d’autres fois, la froideur disparaissait pour laisser place à un bonheur inconditionnel. Ces moments-là étaient rares. Je n’y percevais pas grand-chose. Juste des murmures, appelant un nom, que j’avais interprété comme étant le mien. Pas dans cette vie. Mais dans une autre, bien plus lointaine.
Ces souvenirs m’inquiétaient. Ils commençaient à devenir de plus en plus présents. Je ne pensais plus qu’à ça. Ils devenaient une obsession pour moi. Surtout que je comprenais que Nola-Ann s’était réincarnée chez la nouvelle élève de Serpentard. Czarina. J’attendais désespérément de la voir, même de simplement la croiser dans les couloirs. Je voulais me reprendre mais je n’y arrivais pas. Une part de moi me criait que ce n’était pas bien, qu’elle n’était qu’une élève et qu’il était impossible que je tombe amoureux d’elle. L’autre me rappelait les moments que nous avions passé ensemble, les murmures charnels que nous nous glissions à l’oreille et surtout les nuits d’amour que nous avions partagé. Je ne pouvais me battre contre moi-même. Alors, j’attendais les nuits avec impatience ; le seul endroit où je pouvais la retrouver, et l’appeler, sans craindre le regard des autres. Nola-Ann avait été mon âme-sœur et elle m’avait été arrachée brusquement. Tout comme l’avait été Sara. Mais, la mort de Sara, à côté de celle de Nola-Ann, me paraissait presque absurde. C’est affreux à dire mais j’avais plus de peine, plus de mal à surmonter celle d’une fille que, après tout, je n’avais pas connu – mis à part dans mes rêves – que celle qui fut ma fiancée. Leurs morts étaient différentes. Nola-Ann avait été assassinée, tuée par un sort lancée par une personne dont je ne peux me souvenir. Sara était morte d’une « simple » maladie. Je ne sais pas ce qui m’arrivait, comment pouvais-je penser des choses aussi affreuses ? Nola-Ann, ou Czarina, me faisait perdre la tête. Mon esprit, mon âme et mon corps leur était totalement dévoué. Quant à la jeune Russe, impossible pour moi de savoir ce qu’elle ressentait. Est-ce qu’elle, comme moi, se souvenait ? Est-ce qu’elle brûlait d’envie pour moi comme je brûlais d’envie de la serrer dans mes bras ? Lui murmurer que je l’aimais, l’embrasser, la serrer si fort que je pourrais la détruire. Cela peut sembler dérisoire, voire même choquant. Un professeur de trente ans amoureux d’une jeune élève de dix-neuf ans, d’onze ans ma cadette. Elle fuyait mon regard sans cesse. Et lorsqu’elle posait ses yeux noirs sur moi, j’avais le sentiment qu’elle aurait pu me tuer sur place. Elle me détestait, quand moi je l’aimais.

Il paraît que ma mère ne me reconnaît plus. Elle comprenait mon désespoir quand Sara était partie. Elle m’avait serré fort, avait essuyé mes larmes de ses mains de moldue. Mais aujourd’hui, ses mains tremblaient lorsqu’elle remarquait mes cernes et mon ton désagréable. Je ne dormais plus. Je ne faisais que rêver, et mes rêves ne me permettaient pas de me reposer. Chaque nuit, je devenais le soldat. Chaque nuit, j’essayais de la sauver sans y parvenir. Chaque nuit, je pleurais sur son corps éteint. Ma mère, Allie, me demandait de lui parler, de lui raconter ce qui se passait dans ma vie pour que je sois ainsi ? Avais-je trop de travail à l’école pour ne pas avoir le temps de penser à moi ? Les élèves me posaient-ils problème ? J’haussais les épaules. Il était impossible pour moi de lui dire la vérité. Avouer à sa propre mère être amoureux d’une élève était un crime. Surtout lui dire que cette élève avait été mon âme-sœur des années auparavant. Allie n’avait jamais cru à cela, à la réincarnation. Elle voulait bien croire à la magie, certes, mais il ne fallait pas exagérer. Cela n’était qu’un mythe. Quant à mes flashs, elle m’avait répété que j’avais bien trop d’imagination pour un garçon de mon âge. J’avais même fini par y croire, jusqu’à ce que Nola-Ann revienne me hanter. Jusqu’à ce que je comprenne que mon vrai destin était de retrouver mon âme-sœur perdue sur un champ de bataille.