I've got no secret for you.

l'histoire banale, sans artifices, d'une simplicité magique.

« Tu crois que ça arrêtera un jour? » je regardais mon interlocutrice d'un air désarçonné. Sa question m'avait pris au dépourvu et je ne sus que répondre. À l'instar d'ouvrir ma grande gueule, et de la désoler du même coup, je me contentai d'hausser les épaules en affichant un air nonchalant.Puis, quelques secondes plus tard, je me surpris à lui répliquer, sourire aux lèvres « Au moins ça prouve que tu as encore toute ta cervelle... » Un classique. Mon amie était atteinte d'une tumeur au cerveau, et bien évidemment, cela l'affectait énormément. J'avais peine à m'imaginer ô combien sa douleur devait être insupportable, et ce à toutes les secondes de sa misérable vie. Pourtant, quand elle était avec moi, elle souriait tellement que ça m'aveuglait, que.. que ça me faisait souffrir. Moyra était moldue. Et nous avions en quelque sorte grandi ensemble. Elle était ma voisine, mais aussi ma meilleure amie et avant tout ma complice. J'avais treize ans quand on m'appris qu'elle était malade, et que je ne la reverrais plus à la petite école où nous faisions les cents coups ensemble... Entêté comme je fus, et suis toujours cela va de soi, je ne pus me résigner à me passer d'elle, à repasser en boucle nos derniers moments sans que je n'aie l'heure juste de son état. J'étais donc passé la voir, en catimini un bon soir de septembre, alors que la nuit était encore toute fraiche et que les étoiles brillaient dans le ciel londonien. Elle m'avait accueilli faiblement mais j'avais pu lire dans ses prunelles la joie immense de me revoir. Comme si elle avait attendu cela depuis des lustres... « Ne rigole pas, Rafy. Le médecin a dit qu'il y avait 60% de risque que je ne m'en sorte pas! » Mon sourire s'était effacé tout aussitôt. D'un geste qui se fit spontané, je lui pris la main et la regardai intensément « Et le 40 % de survie, tu y as pensé? T'as toujours été la plus forte de nous deux...tu vas t'en sortir, sweet pea, j'en suis convaincu. » Elle s'était retournée, et elle se cachait pour pleurer.Je m'empressai de m'agenouiller à son chevet et lui embrassai le front, je lui susurrai doucement à l'oreille « Ne pleure pas, tout va s'arranger. » ô comme même à moi, ça résonnait faux. J'aurais voulu y croire mais au fond de moi, je sentais qu'elle partait, petit à petit, rejoindre l'au-delà. Pourtant, une part de moi espérait qu'il n'en serait pas ainsi... J'étais parti de la chambre d’hôpital le coeur lourd. Comment penser à ma rentrée à Poudlard dans de telles circonstances? Je devais me préparer mais n'en avait aucune envie. Je ne pensais qu'à elle, jour et nuit. À l'annonce de sa mort, je m'étais écroulé et avait fait une crise monstrueusement incontrôlable à mes parents. Ce fut précisément à cet instant que je sus qu'aucun de nous, pauvres mortels, n'étaient infaillible. C'est à cet instant que je sus que la vie n'était qu'un gros tas de merde bien fumant, et qu'il nous pendait au nez à chaque instant sans qu'on ne puisse s'en débarasser.

[...]

J'étais accroupi au sol, mon père se tenait devant moi, baguette en main, fin prêt à me lapider sur le champs si je n'exécutais pas son désir le plus fort. Je le regardait, mes canines légèrement en vue, lèvres retroussées dans une colère noire. « Je n'y arrive pas, papa, fous moi la paix! » Une lumière pourpre se précipita furtivement sur moi et j'eus peine à l'éviter. Cette dernière me fit valser à des kilomètres de l'endroit où je me trouvais. Je me relevai tant bien que mal et hâtai mes pas vers mon père, en poussant des grondements incontrôlables, puis je sortis ma baguette et la pointai sur lui. « Oh non pas de ça, Rafael. Tu sais très bien que tu n'as pas le droit de.... » je le coupai, en faisant balancer ma tête de gauche à droite, caricaturant sans honte mon géniteur. « faire usage de la magie en dehors de Poudlard. Ouais, merci, je suis au courant. » Mon père esquissa un sourire forcé. Je fis une grimaçe de dégoût. J'en avais d'ores et déjà bien marre de cette conversation.« Tu sais c'est plutôt contre toi que tu devrais être en colère. J'essaie juste de t'aider à préciser ton don... » Cette fois, je m'étais approché suffisamment de lui pour lui postillonner mon courroux au visage. Je pointai un index réprobateur sur sa personne ingrate et on pouvait sans peine apercevoir les veines de mon front ressortir de mon visage. J'étais indigné qu'il me parle ainsi. N'étais-je donc pas son unique fils? Ne devait-il pas me comprendre? M'appuyer envers tout et contre tout? « Je crois que tu t'es imaginé avoir un fils exceptionnel, papa. Je ne suis ni voyant, ni autre chose. Tu devrais te croire chanceux d'avoir un fils sorcier, mais ça ne te suffit pas..Laisse-moi tranquille, c'est tout ce que je demande. J'ai assez souffert de ton emprise. Ah et je ne viendrai pas pour les vacances d'hiver. Je ne veux plus te voir pour un sacré bout de temps! » déclarais-je d'un trait. Puis je tournai les talons et me dirigea à pas pressés dans notre demeure, entrai dans ma chambre et m'enfermai à double tour. Je devais compter les jours avant de retourner à Poudlard. J'entâmais ma deuxième année dans ce prestigieux château qui était désormais ma demeure, mon seul réconfort depuis la mort de Moyra, et les représailles de mon père. Au moins, là bas, j'étais aimé, apprécié pour ce que j'étais. Je me sentais normal. Un élève modèle, sans don exceptionnel.J'étais Rafael, le mec qui avait la cote, pas celui qui n'était jamais assez parfait pour sa famille.

[...]

« Rafael Foster? C'est.. le plus beau gars de Poufsouffle! » gloussait une jeune femme qui venait à peine de commencer la puberté. Son amie, une rouquine un peu timide poussa un long et douloureux soupir « Il a un de ses sourires » une autre fille surenchérit avec gaieté « Et de magnifiques yeux noisettes.... » Puis une jeune femme un peu plus âgée débarqua avec ses allures de gothique râtée et vint quelque peu déranger la conversation. Cette dernière répliqua d'un ton vaguement hautain « Foster n'est qu'une pauvre andouille. » Les trois demoiselles se contentèrent de lui jeter un regard noir et ne dirent mots. Les serpentard étaient les maitres à Poudlard. Enfin sauf pour moi. Je ne pouvais les voir en peinture ceux-là. Et je me faisais un plaisir de les remettre à leur place quand la situation me le permettait. Malheureusement, ils étaient pire que la peste, ils étaient affreusement idiots, et incurable hélas. En vieillissant, et en acquérant une certaine popularité au sein du château, j'étais devenu en quelque sorte un pion à jeter aux ordures. J'étais dans leur mire et il ne se passait pas une journée où je devais les affronter. Parfois c'était en duel, parfois c'était de vive voix mais quoiqu'il en soit, je n'avais jamais l'esprit tranquille quand ces minables se retrouvaient dans les parages. Certains d'entre eux arrivaient parfois même à me faire perdre mon sang froid. Moi qui eut toujours été de nature patiente, voilà que je me rageais d'un rien lorsqu'il s'agissait des vert et argent. Je voyais un peu de mon père en eux, c'était peut-être là l'ultime raisonnement.Bien évidemment, ils n'étaient pas tous de simples abrutis. Certains d'entre eux étaient même dotés d'une intelligence surprenante, mais je ne m'entendais pas avec eux. Parce que nous ne partagions pas les mêmes valeurs. Parce que c'était ainsi...

[...]

Cette nuit, je me suis réveillé en sursaut, tous les pores de mon derme se retrouvaient cent fois plus soporifiques qu'au quotidien. Je m'étais donc levé, les mains tremblantes, à la recherche d'une serviette pour essuyer cette couche indésirable. Tâtant à l'aveuglette, dans l'obscurité de la nuit, j'ai fini par retrouver un vieux chiffon, dans mon sac sous le lit. Je m'exécutai donc et en fut instantanément soulagé... enfin du moins pas totalement. Mon esprit était tourmenté par ce flots d'image qui avait traversé mes rêves. Et si mon père avait raison? Et si, vraiment, j'étais voyant...Ces images en diaporama m'étaient apparus comme si réels que je n'arrivais même pas à les effacer de ma mémoire. Elles étaient omniprésentes dans mon esprit. Il y avait Poudlard. Et une guerre. Une guerre horrible, qui laissait beaucoup, beaucoup trop de victimes derrière elle. Et cette vision d'horreur, toutes ces morts de purs innocents, ne faisait qu'accentuer ma crainte. Comme si cela allait se produire. J'avais l'impression qu'en mettant les pieds en dehors de mon dortoir, il se passerait quelque chose. Je m'étais dis alors qu'il n'y avait qu'un seul moyen de me rassurer...Je me vêtis donc d'une cape et troquer mes pantoufles pour des souliers cirés noirs et me dirigeai vers la porte d'entrée de la maison de Poufsouffle. Je prenais soin d'éviter les obstacles, pour ne pas réveiller quiconque ici. Un grincement de porte, et je m'évadai dans la nuit. En quête de cette chose qui faisait messe basse dans ma cervelle.... Cependant, je ne trouvai rien. Aux aguets, je me suis bien vite rendu compte que je n'avais fait qu'un cauchemar et retournai illico presto me recoucher. Cependant, l'idée qu'il se passerait quelque chose ici sous peu m'envenimait les pensées. Je laissais le temps décider à ma place, parce que c'était ce que je faisais toujours..J'inspirais la normalité. Je n'avais aucun pouvoir en dehors de ceux magiques. J'étais simplement Rafael Benjamin Foster et je devais dormir, parce que j'avais cours le lendemain. « T'as une tête à faire peur, Foster. » croailla un de mes camarades lorsque je descendis enfin du dortoir des garçons pour rejoindre la salle commune. Je lui répondis d'un baillement en passant une main dans les cheveux. « Ouais.. J'aurais pas cette tête si tu ne ronflais pas comme si t'étais sur le point de mourir.. » À cette réplique salée, un sourire s'étira sur mes lèvres. Il était léger certes, mais ô combien sincère. Jamais je ne faisais passer un sale quart d'heure à mes amis quand rien n'allait dans ma vie. Je ne voulais pas qu'il sache qu'il arrivait, parfois, que ma vie ne soit pas rose. J'étais comme ça, somme toute. Je n'avais pas envie de m'étaler, qu'on ressente de la pitié envers moi alors que je suis plutôt heureux dans ma vie, en ce moment.