Le Manoir des Stonem était noir de monde, chacun se bousculait dans un silence de mort, tous voulait voir une dernière fois le patriarche de cette lignée méconnue. Personne ne les connaissait, personne n’avait jamais prononcé leur nom. Des Sang Purs se faisant passer pour des Sang Mêlés, des Sang Mêlés se faisant passer pour des Sang Purs, le mystère de la pureté de leur sang restait un secret qu‘ils gardaient encore et toujours précieusement. De la dentelle noir, des cierges allumés et éparpillés par ci par là en un dernier hommage ; il y’avait dans l’air un parfum d’hypocrisie et de curiosité malsaine. Le défunt aurait adoré cette atmosphère sordide, l’engouement que sa mort pouvait susciter, vivant il recherchait désespérément la lumière. Julian regardait ce spectacle aux travers de ses opales brillantes, il était dégouté et aurait voulu fuir loin de ce temple de médiocrité. Il y’avait tant de chose qu’il aurait voulu après tout, tant de choses qu’il regrettait et qu’il n’avait pas eu le temps de faire. Il était mort, enfin. Son grand père, l’homme qui l’avait élevé était enfin passé de l’autre côté, là où il pourrait le haïr encore et encore. « Julian, on attend ton discours » La voix de sa tante vint le sortir de sa rêverie. Le brun écrasa sa cigarette et se dirigea le regard vide vers l’estrade où il était attendu. Il n’avait pas fait d’effort vestimentaire, n’avait pas arboré sur son corps les éternels habits noirs faits pour le deuil, il ne devait rien à Lestât, ni même un dernier hommage. Ses pas résonnèrent sur le parquet tandis que d’innombrables paires d’yeux se tournaient vers lui. « Un discours à été écrit par ma tante, elle voulait que je le lise et que je prétende être l’auteur de ces mots qui j’en suis sûr sont emplis de tristesse, mais je ne vais pas le faire. Je ne vais pas vous mentir, ni faire un étalage de sentiments dont au final je n’ai pas et dont vous vous foutez. Vous pleurez sur la tombe d’un homme que vous ne connaissiez pas ou très peu, vous connaissiez une image, une facette illusoire et fausse. Alors écoutez tous ! Ce soir en avant première vous saurez tout de notre chère et douce famille. Vous apprendrez à connaitre cette lignée dont je suis le seul représentant, une lignée bâtie sur des mensonges. » Le jeune homme s’arrêta et observa son audience dont les visages exprimaient une surprise et un ravissement total tels des rapaces avides de ragots monstrueux. Personne ne pouvait l’arrêter dans sa démarche d’autodestruction, le seul qui aurait pu reposait près de lui dans ce cercueil ouvert, le visage paisible. Julian jeta un coup d’œil vers sa tante, elle était horrifiée et son visage s’était empourpré due à la colère, mais elle ne fit rien, Isabella n’avait jamais rien pu faire contre la folie de Julian. « Il y’a tant de choses qui méritent d’être éclaircies, tant de choses qu’on a tues ou simplement effacé d’un coup de baguette magique nous faisant passer pour ce que nous n’ étions pas, soit des gens remarquables. Ma conception même fut un secret gardé par les personnes qui m’entouraient, par ceux qui étaient censés représenter ma famille, le point de repère qu’attend tout enfant, celui dont j’ai horriblement manqué étant jeune. Je n’ai jamais connu mes parents si ce n’est par les descriptions qu’en faisaient ma tante et mon grand père. Selon eux, j’étais le fruit d’une rencontre qui n’aurait jamais dû avoir lieu, l’erreur de parcours de deux êtres jeunes et fougueux. Cette version comme vous pouvez l’imaginez ne m’enchantais guère, savoir que la vérité était autre mais surtout pire ne me réjouis pas davantage. Enfant, j’étais un garçon turbulent, impulsif et surtout un aimant à problème, avec le recul je me rends compte que je possédais déjà ce côté autodestructeur celui qui au final me dictera toute ma vie. Je recherchais cette sordide attention, cet amour que je n’ai pas reçu j’enviais mes camarades de classe rentrant avec leurs parents le soir quand moi c’était ma gouvernante qui venait prendre de mes nouvelles. J’ai toujours été mal mais ne le montrais jamais, j’étais sans doute déjà trop fier pour m’abaisser à réclamer ce qui devait me revenir de droit. Vous voyez le petit garçon bien sous tout rapport mais avec un caractère de merde, cette arrogance mêlée à un courage étonnant, qui faisait n’importe quoi histoire de simplement faire quelque chose ? Eh bien c’était moi. Je m’ennuyais tellement dans ce grand manoir, j’étais un enfant muet face à l’inexistence d’un référent, de protection et d’amour. Je vous ais promis des histoires alléchantes, la face cachée de cette famille que mon grand père a prit tant de temps à bâtir et bien voici le premier. Nous ne sommes en aucun cas des Sang Purs… . » Le jeune homme ne put finir sa phrase sa tante lui coupant la parole « Cela suffit Julian, je ne supporterais pas que notre famille soit bafouée davantage par tes viles paroles, descends de suite de cette estrade et je vous ordonne à tous de vite rentrer chez vous, les Stonem souhaitent se recueillir, un homme mort gît dans ce salon. » Julian sourit et dit au creux de l’oreille d’Isabelle «  Nier les choses ne les annihilent jamais réellement… » C’était vrai au fond, toutes leurs vies ne se résumaient qu’à une longue et tortueuse négation. Nier que tout allait mal, que tout était surfait et basé sur l’apparence, qu’il n’y avait aucune relation entre eux, rien que l’indifférence la plus totale. Oui, ils n’étaient pas des Sang pur. Sa grand-mère était une sang mêlé, une jeune femme provenant de la classe ouvrière britannique. Lestât prônait la pureté de son sang alors qu’il avait épousé une jeune femme de sang mêlé dont il était follement tombé amoureux dès le premier regard. Cependant après deux enfants dont le père de Julian, Camélia s’enfuit en compagnie d’un de leurs voisins, ce qui acheva Lestât qui en voulut à la terre entière et surtout à l’amour lui-même. Julian se demandait comme une vieille histoire comme cela pouvait affecter sa vie à lui, sa propre jeunesse ? La chose étant que David, le père de Julian fit les mêmes erreurs que son père, ce fut comme une malédiction. Il était lui aussi tombé amoureux d’une moldue à qui il se voua corps et âme lui donnant un enfant en secret, la chair de son sang que son propre père lui enleva. En effet c’était une chose que Julian avait appris par la suite, ses parents furent malmenés et obligés d’abandonner sa garde pour une raison douteuse ce que Julian se promit de découvrir par la suite. Les choses suivirent ainsi leurs cours, il eut une enfance particulière mais pas non plus désastreuse, il était malgré ses défauts un garçon charmant, fidèle aux amis qu’il avait mais surtout très rancunier. C’était un jeune homme doté d’un grand humour et que les filles trouvaient tout à fait à leurs gouts. Julian aimait séduire, prendre soin de lui et des autres ce qui l’enchantait grandement. Ils retrouvaient à Poudlard ce qui lui avait tant manqué chez lui. Cependant même si il paraissait toujours entouré, prêt à tout pour un de ses amis il se sentait parfois en décalage comme si quelque chose en lui ne s’était pas encore cicatrisé surtout quand cela touchait l’affect et plus particulièrement l’amour. Comment pouvait-il aimer lui qui avait vu sa famille se déchirer pour un sentiment aussi insignifiant et fort que celui-ci ? Aimer c’était donner du pouvoir à l’autre et Julian n’était pas prêt à faire ce sacrifice à se vouer corps et âme dans une relation dont il perdrait vite le contrôle. Il était passionné et même si il ne l’avouait pas forcement était un grand sensible qui se cachait parfois derrière un caractère épouvantable.